Bien qu’associées à une forme assez rare de cancer, les tumeurs neuroendocrines, qui affectent le plus fréquemment le système digestif, touchent de plus en plus de personnes. En effet, on dénombre un taux d’incidence de sept nouveaux cas chaque année par tranche de 100 000 habitants, ce qui en fait le deuxième cancer digestif le plus répandu.
Les personnes qui sont atteintes de ce type de cancer voient leur espérance de vie substantiellement diminuée, à plus forte raison dans la mesure où ces tumeurs sont souvent diagnostiquées à un stade très avancé. Cela implique, malheureusement et la plupart du temps, l’apparition de métastases.
En plus des douleurs associées à ces métastases, les personnes atteintes doivent également composer avec de multiples symptômes liés à la production d’hormones tumorales qui limitent considérablement leur qualité de vie. Parmi ces symptômes, on trouve notamment des diarrhées incontrôlables, des bouffées de chaleur, de la fatigue chronique, des ulcères d’estomac ou encore de fréquentes hyper ou hypoglycémies.
Les traitements conventionnels pour ces patients ayant soit une efficacité limitée, soit des effets indésirables importants, la direction du CHU de Québec-Université Laval (CHU) a donné son aval en 2012 à un projet novateur qui allait changer le cours des choses et positionner l’organisation en leader à travers le monde.
La thérapie radiopeptidique, soit l’injection d’un médicament radioactif (le Lutétium-177 octréotate) qui cible directement les récepteurs de la tumeur, est connue depuis plusieurs années en Europe et en Australie. C’est d’ailleurs à Melbourne que le Dr Jean-Mathieu Beauregard, médecin spécialiste en médecine nucléaire et clinicien-chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec (CRCHU), a terminé une formation complémentaire sur le sujet.
C’est à son initiative qu’une nouvelle façon d’administrer le traitement de radiothérapie interne a vu le jour. En utilisant une imagerie médicale de pointe durant le traitement, aussi connu sous l’acronyme PRRT, l’équipe médicale est désormais en mesure de personnaliser la dose administrée en fonction des spécificités et de la tolérance de chaque patient, plutôt que d’administrer la même dose à tous. Ce faisant, les chances de guérison sont maximisées sans pour autant augmenter le risque d’effets secondaires.
À l’expertise du Dr Beauregard, en charge du projet, s’est ajoutée au fil du temps celle de deux autres médecins spécialistes en médecine nucléaire, les Drs François-Alexandre Buteau et Alexis Beaulieu. L’équipe du CHU regroupe ainsi les trois seuls surspécialistes en ce domaine à travers la province.
En parallèle, « la collaboration multidisciplinaire des nombreux intervenants impliqués dans la trajectoire de soins des patients traités dans le cadre du programme, incluant le perfectionnement professionnel spécifique aux technologues en médecine nucléaire ainsi que la formation de membres du personnel infirmier impliqués du 13e étage de L’HDQ et des soins ambulatoires, ont aussi contribué au succès de ce projet », selon le Dr Beauregard. « L’implication de la pharmacie a aussi été essentielle à la mise sur pied du programme. L’équipe de radiologie d’intervention permet également une administration intra-artérielle du traitement pour certains patients. »
Véritable innovation, cette nouvelle pratique attire l’attention à travers le monde et a poussé les résultats de la thérapie encore plus loin. Comme le confirment les données initiales, l’approche porte ses fruits! La thérapie radiopeptidique personnalisée s’inscrit parmi les traitements existants présentant le meilleur taux de succès. On remarque la stabilisation, voire le rétrécissement des tumeurs, ainsi qu’une diminution marquée des symptômes qui accablent les personnes atteintes. Plus encore, les données préliminaires font état d’un prolongement de l’espérance de vie de l’ordre de 55 mois !
La thérapie radionucléïdique étant l’avenir de la médecine nucléaire, un intérêt grandissant se fait sentir pour cette nouvelle approche. Cette nouvelle pratique pourrait notamment faire la différence pour des patients atteints d’autres formes de cancers. Le Dr Beauregard, en collaboration avec le Dr Girish Shah du CRCHU, cherche par ailleurs à combiner la thérapie radiopeptidique avec d’autres médicaments susceptibles de rendre les tumeurs encore plus sensibles à la radiation, ce qui pourrait rendre le traitement encore plus efficace.
Un nombre grandissant de patients référés par d’autres milieux universitaires, provenant d’autres régions du Québec ou encore de l’extérieur, principalement des Maritimes et des États-Unis, se tournent désormais vers le CHU pour être traités, sans toutefois que cela réduise l’accessibilité pour les patients d’ici.
Comme quoi l’innovation et le leadership de cette équipe du CHU est synonyme d’espoir pour des patients de plus en plus nombreux dont l’espérance et la qualité de vie sont substantiellement diminuées par les tumeurs neuroendocrines, l’espoir d’ajouter des années à leur vie et de la vie à leurs années.